Des profondeurs du puits à la cime des montagnes
Histoire d'un rabbin en Israël
Pendant quinze ans, il fut le père et le guide spirituel des résidents de l'auberge "Beit Abraham" du "Keren Hatechouva",
D'hommes chargés d'un passé pesant, problématique et hors normes,
D'hommes animés d'une volonté de changer, d'ouvrir une nouvelle page, d'être acceptés les bras ouverts.
De professionnels de la réinsertion, connaissant de près la complexité des résidents venant à l'auberge, déclarant qu'une telle fonction n'est pas à la portée de tous.
Le travail avec des hommes pour qui le crime était leur univers, pour qui la drogue était un refuge, pour qui la violence hors et dans la prison était le seul langage, faisant leurs premiers pas dans le monde de la Tora, luttant contre d'anciennes habitudes - exige une personnalité forte, qui connaît les tentations, les blessures, les difficultés, les moments de régression et de crise.
Requiert une conviction inébranlable et le sens d'une mission.
Le Rabbin Gadi Ben-Dana correspondait exactement à cette fonction. Lorsqu'il s'entretenait avec un ex-détenu qui avait passé dans cette maison le processus de réinsertion et de Techouva dans la pleine assertion du terme, il n'employait pas des mots recherchés. Il connaissait bien le terrain. Il avait parcouru le chemin et en n'ignorait pas les hauts et les bas. Et le plus important de tout : le Rabbin Ben-Dana représentait à l'auberge la preuve vivante de ce que la Techouva, l'acceptation du joug de la royauté céleste, va de pair avec la réhabilitation, l'amélioration de la perception de soi, l'organisation et la définition indépendantes renouvelées et le potentiel personnel. De par sa présence, il insufflait l'espoir et constituait un modèle exemplaire pour l'ensemble des résidents de l'auberge.
Là-bas, tu es le roi !
Avant sa prise de fonctions à l'auberge du "Keren Hatechouva", il a payé pour les actes que la société ne tolère pas et a séjourné en prison 7 ans. Dès l'âge de 18 ans, il a connu les méfaits de la drogue. Puis il a été jugé et condamné à être incarcéré dans les prisons de Shata, Ramlé et enfin Maassiyahou, pour détention d'arme, utilisation et vente de drogues dures, y compris de l'héroïne, agression et vol par effraction dans des maisons. Aujourd'hui, le Rabbin Ben-Dana atteste qu'il était agressif, influencé par les délinquants et leur vision du monde, qu'il méprisait les gens honnêtes, que son seul voeu était de gravir la hiérarchie de la criminalité, laquelle lui procurait le respect. "Lorsque vous êtes plongé dans cet univers, vous croyez être important, vous y êtes le roi et les policiers sont l'ennemi n° 1."
Mais, son séjour derrière les barreaux lui a donné l'occasion de prendre une pause et de réfléchir à ses actes. Tout en purgeant sa peine, il entame un processus de Techouva. Il commence par accomplir des mitsvot concrètes. Il décide de changer de voie. Ce ne fut pas un chemin facile et tout tracé. Au
Dr Ouri Timor, criminologue qui vint s'entretenir avec lui, dans le cadre d'une recherche pour un doctorat sur le thème de la réinsertion des prisonniers, il confia : "Dans la prison, j'ai décidé de ne plus commettre d'actes répréhensibles, mais lorsque je suis sorti, j'ai commencé par renoncer. A l'extérieur, la société repose sur des intérêts, et lorsque vous êtes libéré vous risquez de chuter, car personne ne vous aide, et alors tout s'effondre. J'étais paniqué. J'ai compris que si je ne changeais pas, j'allais retomber. Je savais que je devais passer par une phase radicale. J'ai commencé par participer à des séminaires de Judaïsme et je me suis rendu auprès du Grand Rabbin Abraham Hazan, de mémoire bénie, et à la Yéchiva Kaf Ha'hayim".
L'élixir de vie de la Tora
"A la Yéchiva", poursuit Gadi, "de nombreuses mains se tendent pour vous aider à déceler le noyau positif qui se trouve en vous. Au début, je me droguais même à la Yéchiva, mais par la suite, j'ai compris la fausseté de mon attitude et j'ai cessé. Lorsqu'on étudie la Guemara, on est plongé dans un autre monde. La Tora enseigne à l'homme de vivre d'une façon appropriée, juste. "Il faut comprendre", explique aujourd'hui le Rabbin Ben-Dana, "que dans la réhabilitation par la Tora, il existe une difficulté sous un certain aspect qui n'existe pas dans d'autres formes de réhabilitation. Outre la reprise en main de modes de vie, de normes perverties, d'une mentalité de délinquant, de la façon de réfléchir et du style d'expression, du fait même de la démarche d'un retour, d'une Techouva, s'opère un changement essentiel supplémentaire dans le vécu quotidien et est lié à de nombreuses difficultés, même chez quelqu'un qui n'est pas un détenu".
Il savait expliquer le processus aux résidents de l'auberge du "Keren Hatechouva", en transmettant son expérience, alors qu'il était déjà directeur de l'auberge. Son analyse était la suivante : "La Tora est un élixir de vie. J'ai découvert que je n'ai aucun besoin de drogues, car je suis en état de "manque" du Judaïsme. Au même titre que quelqu'un qui n'a pas été dépendant de la drogue ne peut pas comprendre le manque enduré en cours de désintoxication, il en va de même des hommes du monde de la criminalité qui ne saisissent pas le manque de Judaïsme. Vous ressentez qu'une force supérieure attend de vous que vous progressiez et vous vous éleviez, et lorsque vous étudiez chaque jour, vous connaissez alors une satisfaction sans mesure. "
Embrasement de l'étincelle
Les dirigeants des Yéchivoth dans lesquelles il a étudié après sa libération de prison ne tarissaient pas d'éloges à son propos. Dix ans plus tard, il est nommé Rabbin de quartier par le Conseil du Grand Rabbinat. En tant que rabbin doté d'un passé si particulier, fruit de l'enseignement du Grand Rabbin Abraham Hazan zats"al, il a su mettre en application la vision de son maître et de l'association "Keren Hatechouva" qui ont accompagné sa reconstruction spirituelle et physique. Il est alors devenu le guide spirituel des résidents de l'auberge et a fondé une famille en Israël.
L'histoire du Rabbin Ben-Dana atteste, plus que des milliers de témoins, de l'orientation du "Keren Hatechouva" quant à la réhabilitation extraordinaire d'hommes qui, des profondeurs du puits, ont su atteindre la cime des montagnes.
Son image m'est apparue et j'ai renoncé à commettre une transgression
Au début de ma réhabilitation, il y a 24 ans, face à la détresse du moment et aux innombrables obstacles, plus d'une fois j'ai songé à faire marche arrière, à revenir à mon état précédent. Ce qui m'a donné la force de tenir et de surmonter cette période, a été, entre autres, la personnalité du Rabbin Hazan, de mémoire bénie.
Il est dit au sujet de Joseph le juste : "Il se rendit dans la maison accomplir sa tâche", et nos Sages, de mémoire bénie, expliquent (Traité Sota 36b) : Qu'il entra pour pécher avec la femme de Potiphar, mais qu'il vit l'image de son père et renonça à fauter. C'est ce qui m'est arrivé, à cette époque j'ai pensé : "Il existe un homme qui vraiment se préoccupe de toi, t'aime comme un fils, te comprend et sait comment t'aider, et comment peux-tu faire une chose si mauvaise à un homme qui a tant fait pour toi ?"
Rabbin Gadi Ben-Dana
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